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Chez Mrs FIGG : chats, scones et livres à volonté !
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15 juillet 2011

« Investis sans hésiter tes économies dans un billet pour l'aventure de ce livre ! »

Montecore, un tigre unique de JONAS HASSAN KHEMIRI9782268065076

Traduit du suédois par Lucile Clauss & Max Stadler

Le Serpent à plumes / 376 pages / 22 euros

Parution en France : mars 2011

L'Histoire :

JONAS, écrivain suédois d'origine tunisienne, entreprend de raconter l'histoire de son père, ABBAS KHEMIRI. Il est aidé (poussé !) dans cette tâche par KADIR, un ami d'enfance d'ABBAS. En effet, le père de JONAS n'a pas un destin ordinaire. Orphelin de la guerre d'Algérie, il poursuit un rêve acquis très jeune : devenir un photographe mondialement connu. Dans années 70, dans la station balnéaire tunisienne où il végète (et où il séduit les touristes étrangères), ABBAS fait la connaissance de PERNILLA BERGMAN, une charmante hôtesse de l'air suédoise. Amoureux fous, ils décident de vivre ensemble & de se marier. Empruntant les économies de son meilleur ami, ABBAS quitte son pays pour la Suède. Pendant 15 ans (et 3 enfants plus tard), le jeune tunisien tentera de s'intégrer et de concrétiser son rêve … Pourtant, le bel avenir semble menacé et tout tourne mal : pourquoi père & fils sont-ils brouillés depuis de longues années ? Pourquoi ABBAS a-t-il abandonné sa famille ? Pourquoi l'image du reporter international & ami des stars annoncé en prologue du roman ressemble-elle à une invention ?

Voilà un livre singulier à plusieurs égards … et que je suis toujours en peine de dire si j'ai aimé ou pas !

LA NARRATION est une suite de lettres échangées par JONAS et KADIR. KADIR s'exprime dans une langue complètement fantaisiste, nostalgique mélange d'arabe, de français & de suédois, pleine de métaphores amusantes (et incorrectes !) qui donne l'impression d'un homme sympathique, fantasque, MAIS ô combien arrangeant avec la réalité ! Au contraire, JONAS s'exprime dans un style direct et violent témoignant d'une certaine haine contre son père. L'ensemble est (d)étonnant.

LE PERSONNAGE DU PèRE a fait naitre chez moi un sentiment assez ambivalent. D'un côté, tendresse & admiration pour un homme qui reste optimiste malgré les problèmes d'intégration, d'argent, de racisme … et que lecteur voit se fatiguer progressivement, revenir sur ses principes moraux (il finira par photographier des chiens & des scènes porno), grisonner & devenir ventripotent … D'un autre côté, ABBAS m'a franchement agacée par son égoïsme (bercé par son imaginaire, ne voit-il pas que ses rêves artistiques ne feront jamais vivre sa famille ?), son intransigeance face à son adolescent de fils. Bref, ce n'est PAS un personnage facile ni attachant mais torturé et jamais 'à sa place' (ni en Tunisie ni en Suède ni en famille). Et donc, réussi parce qu'il fait réfléchir …

LA VERITE enfin, est toujours relative dans ce roman. Déjà, un doute plane d'emblée : est-ce une autobiographie ? Narrateur et auteur portent le même nom, sont de la même origine métissée tunisienne & suédoise … C'est d'ailleurs ce thème, l'intégration d'immigrés dans la Suède des années 60 à 90 qui est LE sujet du livre. En effet, malgré une langue colorée, des personnages drolatiques, un humour grinçant … c'est le racisme ordinaire dont sont victimes ABBAS et JONAS qui est traité (et qui laisse un goût amer au lecteur). Montecore, un tigre ordinaire n'est PAS un livre amusant & léger. Bien au contraire. Ce racisme provoque l'incompréhension jusqu'à la rupture d'un père & son fils. Et ça fait très mal.

Finalement oui, je crois que j'ai beaucoup apprécié ma lecture. En tout cas, je la recommande à tous (mais peut-être pas en lecture de plage !).

Un extrait d'humour noir (parmi beaucoup d'autres) :

« - Grâce à ma femme, j'ai réussi à transformer ma mentalité de sorte qu'elle soit presque devenue suédoise […]

- Par exemple ?

- Oh là là ! C'est compliqué, je ne me souviens pas de toutes les règles. Mais laisse-moi essayer. Sur les escaliers roulants, je me mets à droite. Je me lave les dents matin et soir […] Je comprendrai bientôt qu'il est logique d'enfermer et d'isoler les parents retraités dans ce qu'on appelle des 'maisons de retraite'.

- Et quoi encore ?

- A chaque fois que j'investis dans une journal, je dis un triple merci. Je ne marchande jamais dans les magasins. Je suis capable de discuter du temps & du vent pendant des heures avec la précision d'un météorologiste. A chaque fois que je m'apprête à saluer mes voisins, je m'efforce de garder le silence et pense au proverbe : 'Un suédois se tait'. (pages 184 – 185) »

Le roman a reçu un très bon accueil en Suède et a été traduit en 8 langues (400 000 exemplaires vendus d'après l'éditeur français).

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