« Vous êtes sur le blog de Belle, bienvenue ! »
Le blog de l@ belle de Mary Temple
MANGO / août 2011 / 275 pages / 13,50 euros
Pas inoubliable mais quand même intéressant, Le blog de l@ belle aborde 2 thèmes forts de la littérature de jeunesse actuelle : les pratiques numériques des jeunes et la réécriture moderne d'un conte de fée.
BELLE, 16 ans, s'ennuie dans sa tour d'ivoire. Ultra privilégiée, elle vit avec son père et ses 2 sœurs dans un immense appartement en plein cœur de Manatthan mais n'a personne avec qui partager sa passion : la lecture. « En ce qui me concerne, j'aurais adoré être la fille cadette d'un grand écrivain – ou d'un modeste auteur, ou même d'un simple prof de littérature – pour pouvoir grandir entourée de livres sans passer pour une nerd aux yeux des jeunes de mon âge » (p. 15)Bonjour le cliché ! Dommage que les seuls livres cités par la donzelle soient Hunger Games et La Servante Écarlate (Margaret Atwood) et encore, de manière complètement anecdotique. Et puis c'est sûr que d'avoir crédit illimité dans une grande librairie new-yorkaise facilite moins l'intégration d'un réseau de lecteurs que de fréquenter une bibliothèque … BELLE décide donc d'ouvrir un blog dans l'espoir de se faire de nouveaux amis. Elle y raconte sa vie quotidienne qui ne tarde pas à se compliquer après une soirée dans un prestigieux club électro de Manatthan, Le COCTEAU, où elle fait la connaissance du mystérieux propriétaire, Alexandre BEAUMONT. Or cet homme, bizarrement toujours masqué & à la carrure imposante, lui apprend que BELLE est celle qu'il attendait depuis longtemps déjà pour mener son combat contre les forces maléfiques qui menacent New-York. Si BELLE commence d'abord par être soupçonneuse, à mesure que les ennuis lui tombent dessus (attaques de rats, enlèvement d'ami, ruine paternelle …), elle comprend que BEAUMONT lui dit la vérité.
Le blog de l@ belle a cette originalité que l'intrigue fantastique se veut une adaptation moderne du conte La Belle et la Bête (fixé par Mme Leprince de Beaumont au XVIIIème siècle). Réveillés par le traumatisme du 11 septembre et le stress de la crise économique, les personnages du conte hantent New-York où la magie doit panser les blessures des habitants. La Bête du XXIème siècle est un ancien soldat revenu d'IRAK, sa marraine est une infirmière et la Belle, notre jeune bloggeuse. Malheureusement, les méchants se sont également réincarnés : rats espions qui envahissent les sous-sols de la City (rappelant V-Virus de Scott Westerfeld), possessions … New-York (le monde !) est menacé mais franchement, le lecteur peine à y croire. C'est dommage, l'idée était bonne mais je pense qu'il aurait fallu davantage de pages pour étoffer les personnages qui (exceptée BELLE) sont assez caricaturaux. De même, le méchant est trop vite expédié pour faire peur. Enfin, j'aurai aimé que l'auteur aille jusqu'au bout de son idée et retrouver les objets magiques du conte : le miroir, la bague, la rose …
En revanche, j'ai beaucoup aimé le ton décalé que BELLE utilise pour rédiger son blog, sa causticité tranchant agréablement avec le sérieux (presque mystique) des deux personnages de FAY et BEAUMONT. Quand le monde des vieilles légendes européennes (un peu poussiéreuses !) rencontre celui de la modernité, cela donne des paragraphes plein d'humour : « Tandis que FAY me débitait un conte à dormir debout [mais que le lecteur attend avec impatience !], auquel je ne captais rien, je ne suis pas restée sans rien faire. J'ai glissé une main dans une de mes poches, celle où se trouvait mon portable […] Ni FAY ni BEAUMONT ne se sont doutés de quoi que ce soit. Ils étaient trop branchés antiquités et magie primitive pour imaginer le pouvoir d'une ado qui avait grandi avec un smartphone dans la main. » (p. 81 – 82).
Les contes modernes sont bel-et-bien numériques mais MARY TEMPLE se charge de rappeler aux jeunes les dangers d'Internet. En effet, BELLE a tous les agaçants (et véridiques) 'tics' des ados (et autres !) auteurs de journaux en ligne : elle guette ses commentaires, son compteur, elle s'adresse à un hypothétique lecteur comme s'ils étaient des milliers à suivre son blog … Mais surtout, elle est bien imprudente : lieux, dates et horaires de ses RDV, elle livre force détails sur sa vie privée. Heureusement, l'auteur rétablit rapidement l'ordre et BELLE, enfin lucide, déplore ses malheurs : « je n'aurai finalement réussi à attirer l'attention que d'un couple de barjots et d'un paumé […] et à mettre en danger la vie du seul gentil garçon de mon entourage » (p. 84). La forme même du blog (la note quotidienne + les commentaires et de quelques MP) est habilement utilisée pour rythmer le récit, apporter des interactions entre les personnages (on s'attache facilement aux auteurs des commentaires, Yuko et Arsenik) …
La morale de Le blog de l@ belle est la même que dans La Belle et la Bête de Mme Leprince de Beaumont (et reste toujours juste) : il ne faut pas se fier aux apparences et apprendre à voir au-delà (surtout sur Internet !!). Oui, BELLE fini par se rendre compte que sous l'apparence repoussante de BEAUMONT se cache un cœur pur dont elle tombe amoureuse. Non Yuko n'est pas une petite asiatique et Arsenik un petit caïd de banlieue …
Bref, Le blog de l@ belleest un roman facile d'accès (dès la 5ème) qui procure au lecteur un agréable moment de lecture détente.