" Comme un garçon, elle avait poussée, grande et droite, des yeux sans peur et l'amour de la mer dans le sang "
L'amour dans l'âme de Daphné Du Maurier
Traduit de l'anglais : The Loving spirit
Le livre de poche (2014) / 499 pages / 7,10 euros
J'ai commencé L'amour dans l'âme en ignorant qu'il s'agissait du premier roman de Daphné Du Maurier (publié en 1931). Or il me semble que c'est assez flagrant. Il s'agit donc d'une lecture plaisante mais pas aussi puissante et complexe que Rebecca (*et pourtant, je ne garde qu'un souvenir lointain de Rebecca*)
De 1830 à 1928, Daphné Du Maurier déroule l'histoire de la famille Coombe, propriétaires d'un prospère chantier de construction de bateaux à Plyn, en Cornouailles. A travers les vies de Janet la doyenne, Joseph son fils, Christopher son petit-fils et Jennifer la contemporaine de Daphné Du Maurier, c'est une suite de mariages, de naissances mais aussi de drames, de trahisons et de fugues … avec comme toile de fond, l'évolution d'un port et du commerce maritime anglais.
(*Je dévoile peu de choses sur l'intrigue et il y a d'ailleurs peu de rebondissements dans ce roman. Cependant, je vous conseille de ne pas regarder la généalogie des Coombe présentée au début*)
Dès les premières pages, j'ai été surprise par le caractère profondément mélancolique du roman. L'amour dans l'âme s'ouvre sur Janet qui, le jour de son mariage, rêve de vagabondages, « j'étais faite pour être un garçon et pour naviguer sur les bateaux » (p. 24). C'est une nature indépendante et fantasque bridée par la condition des femmes au XIXème siècle. J'ai également beaucoup aimé la 4ème partie autour de Jennifer Coombe, personnage impertinent qui permet à Daphné Du Maurier d'introduire des pointes d'humour rafraîchissantes dans son roman. Ces femmes sont complexes, insoumises et passionnantes.
Le bémol de ce premier roman, selon moi, sont les personnages masculins. Si j'ai été happée par le souffle romanesque des existences contrariées de Janet et Jennifer, j'ai trouvé les parties consacrées à Joseph et Christopher vraiment pesantes et manquant d'authenticité. Je trouve que Daphné Du Maurier ne sait pas y dissimuler son discours de femme (presque féministe) derrière des personnages masculins. Ou alors très maladroitement. D'autre part, les éléments fantastiques (la relation quasi surnaturelle/incestueuse qui unit Janet et Joseph) sont inexplicablement abandonnés au court du récit …
C'est donc sur un sentiment partagé que j'achève ma lecture. L'amour dans l'âme me restera surtout en mémoire pour l'omniprésence des paysages maritimes de Cornouailles et l'ambiance nostalgique, très particulière, qui en ressort.