« Il y a mille raisons de désirer une femme, peut-être plus que d'aimer un homme »
Virginia et Vita de Christine Orban
Le Livre de Poche (2014) / 237 pages / 6,60 euros
C'est suite au récent billet de Georges et à la proposition de Lou d'en faire une lecture commune que j'ai découvert ce roman doublement biographique puisqu'il évoque la relation entre Virginia Woolf et Vita Sackville-West.
1927, entre Monk's House (la demeure de Virginia et Léonard Woolf) et Knole House (l'ancestrale demeure des Sackville-West), dans le Sussex. Depuis plusieurs années déjà, Virginia et Vita entretiennent une liaison. Tout détail charnel est heureusement évacué par Christine Orban qui se concentre plutôt sur le côté intellectuel de cet amour et son rôle dans la genèse d'Orlando.
Virginia Woolf est (décrite par l'auteur comme) une créatrice de génie qui souffre de fréquentes crises de démence, déprimée, complexée, légèrement misanthrope, froide (frigide ?) et incapable d'exprimer ses sentiments autrement que par l'écriture. « Les mots rendaient des jouissances, des saveurs, des vigueurs dont elle était privée dans la vie. Quand elle écrivait, ils devenaient le prolongement de son corps » (p.100). A l'opposé, Vita Sackville-West est (décrite comme) une mondaine pétillante et volage qui traverse un moment difficile : la mort de son père Edward Sackville-West et la spoliation de Knole House en dépit de la loi britannique sur les droits d'héritage (qui favorisent le sexe masculin par rapport à une héritière de ligne directe).
Christine Orban se focalise sur la tension qui existe entre ces deux femmes et comment celle-ci est à l'origine d'Orlando.
Il s'agit d'une tension sociale (le choc entre la haute aristocratie ancestrale et la bohème des artistes) et sentimentale. Elle émane principalement de Virginia qui est très jalouse de Vita (de ses amantes, de sa beauté …). Dans Orlando, Virginia s'inspire donc de Knole House et de Vita. Son écriture se nourrit de ses sentiments, de ses jalousies et frustrations. Ainsi, elle travestit Vita (qui devient un homme, Orlando) car elle pourrait encourir la censure ou l'opprobre puritain pour la description d'amours saphiques. Idem, l'ancienne amante de Vita, Violet Trefusis, devient Sacha (qui sera finalement abandonnée par Orlando).
Christine Orban aura eu le mérite de me faire comprendre que je n'avais absolument rien compris à ma (lointaine et trop précoce) lecture d'Orlando qui semble être un roman à clé très complexe. Il faudra que j'y remédie même si des deux écrivaines, j'ai une préférence pour Vita Sackville-West que je trouve plus accessible et agréablement cynique (par exemple son merveilleux roman Toute passion abolie).
Virginia et Vita est une lecture plaisante et pourtant je n'ai pas été emballée.
Je ne connais pas en détail les vies de VW et VSW mais même ainsi j'ai été chagrinée par les libertés biographiques prises par Christine Orban (en témoignent les lettres du roman qui sont largement simplifiées ou modifiées par rapport à la correspondance authentique des deux femmes – j'ai vérifié !). Habituellement, je n'ai rien contre les biographies romancées (même si j'apprécie que cela soit annoncé). Dans celle-ci, c'est le soupçon de superficialité, de légèreté notamment dans la genèse d'Orlando qui me chiffonne … Et l'impression aussi que l'auteur a grossi les défauts des personnages : ceux de Virginia mais aussi Léonard et Harold qui sont effacés et inintéressants au possible. Enfin étant donné qu'il s'agit d'un amour entre deux êtres d'exception, entre deux génies de la littérature anglaise, je m'attendais à une romance plus complexe, une relation relatée avec plus de profondeur (peut-être aurait-il fallu plus de pages ?).
Pour conclure, ce n'est pas une déception absolue car l'écriture est plaisante, ainsi que la couverture. Mais je doute qu'il me reste quelque chose de cette histoire d'ici à quelques mois …
Le billet de Lou (mitigé comme le mien).