"Il me semble que je peins pour des gens équilibrés, mais non dénudés toutefois, -très à l'intérieur- d'un peu de vice inavoué"
Exposition Félix Vallotton : Le Feu sous la glace
Grand Palais, octobre 2013 – janvier 2014
Avant de visiter l'expo, j'ignorais tout de Félix Vallotton (1865-1925) peintre proche des nabis, d'origine suisse mais français d'adoption. Si tout ne m'a pas plu (sa misogynie, ses nus féminins parfois sordides, ses natures mortes), j'ai eu un énorme coup de cœur pour ses portraits et ses « paysages composés ».
Impressionnée par la variété de l'expression artistique de Félix Vallotton : (auto)portraits, paysages, scènes d'intérieur, scènes mythologiques, gravures à message politique, natures mortes … Quel foisonnement ! Félix Vallotton semble osciller (de manière simultanée) entre les courants picturaux qui traversent son époque (les nabis, Vuillard dont il est l'ami), entre une ré-interprétation parfois surannée des classiques (Ingres) et enfin, une création personnelle d'une grande modernité.
(*pour une fois*), la muséographie est cohérente (un parcours thématique) et les explications assez complètes (idem pour l'audioguide) notamment sur les sources d'inspiration du peintre et ses techniques. Autre bon point : si les tableaux sont indéniablement mis en avant, les gravures et les photographies de Félix Vallotton ne sont pas oubliées.
La première salle est celle des portraits : visages découpés sur fonds unis, pas d'attributs, col blanc des hommes qui tranche sur la sombre sobriété des costumes. Immédiatement repérable. Un sidérant Autoportrait à l'âge de 20 ans (1885) m'a particulièrement interpellée. Austère, un regard perçant et direct qui fixe le spectateur d'un air décidé pour un si jeune homme …
Intéressant aussi le Portrait de Gertrude Stein (1907) qui répond à celui de Picasso au masque primitif.
La 2ème salle est celles des « perspectives aplaties ». J'ai ADORE les « paysages composés » c'est-à-dire des visions intériorisées de paysages authentiques, reconnaissables typologiquement mais oniriques et magnifiées par l'imagination du peintre.
Inspirés par les estampes japonaises, ces tableaux sont entre symbolisme pour l'esprit (l'émotion de la Nature) et nabi dans la forme (aplats de couleur, simplification des formes …). Je n'avais jamais rien vu de similaire et suis complètement conquise.
Ce Souvenirs des Andelys est éblouissant. Félix Vallotton allie rigueur de la composition (il y a 2 angles de visions, 2 perspectives comme dans Le Ballon, 1899) et fantaisie. Au loin, on aperçoit Château-Gaillard.
J'ai aussi trouvé intéressantes les toiles représentants des intérieurs bourgeois témoins de ce début de XXème siècle qui sont d'une précision et d'une authenticité édifiantes. De ces petites scènes intimistes se dégage une tension cachée troublante. Idem pour la tension troublante concernant l'ultra moderne La Blanche et la noire (1913) où une rousse incarnate et dénudée est fixée du regard par une fumeuse (à l'air concupiscent ?).
Deux autres tableaux ont retenu mon attention : La Valse (MAM du Havre), 1893, qui représente des couples de patineurs et donne une impression de mouvement et de rêve. J'ai adoré le semi de petites points colorés.
Et enfin, Le Cimetière militaire de Châlons (1917), parfaite illustration pour le Goncourt 2013, Au revoir, là-haut (Pierre Lemaitre).
Habituellement, je ne suis pas sensible aux gravures mais les xylographies de Vallotton sont assez remarquables, ce sont des compositions à part entière entre critique sociale et malice.
J'aurai encore pu écrire longtemps sur cette exposition qui ferme ses portes d'ici quelques jours. Un conseil : allez-y !
Et hop ! Un billet supplémentaire à ajouter au Challenge « L'Art dans tous ses états » de Shelbylee.