Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chez Mrs FIGG : chats, scones et livres à volonté !
Chez Mrs FIGG : chats, scones et livres à volonté !
Derniers commentaires
Archives
3 juin 2012

« Ce sera une date sanglante que cette année 93 où nous sommes »

Quatrevingt treizeQuatrevingt-treize de Victor Hugo

environ 500 pages

1ère parution : 1874 (c'est le dernier roman de Hugo)

Quatrevingt Treize est un roman sur la Révolution française mais Victor Hugo prend de grandes libertés avec l'Histoire : « Du reste, l'histoire et la légende ont le même but, peindre sous l'homme momentané, l'homme éternel ». Une belle lecture (forcément, du Hugo c'est beau !) mais où les digressions sur les factions révolutionnaires, les questionnements philosophiques sur la liberté et les longues descriptions des hauts lieux de la Révolution prennent (à mon goût) un peu trop le pas sur l'intrigue romanesque et les personnages.

1793, année de la Terreur, guerre civile. La France est divisée entre les 'blancs', Vendéens contre-révolutionnaires et les 'bleus', partisans de la Révolution qui tiennent Paris. « Cette guerre des Ignorants, si stupide et si splendide, abominable et magnifique, a désolé et enorgueilli la France. La Vendée est une plaie qui est une gloire ».

Le marquis de Lantenac est le chef des blancs, paysans bretons manipulés par le clergé qui souhaitent le retour du Roi tandis que son neveu, le vicomte Gauvain, défend les idéaux de la Révolution et des Lumières. Mais le Comité de Salut Public craint la jeunesse de Gauvain et lui adjoint un surveillant, Cimourdain. Or, Cimourdain est aussi le père spirituel de Gauvain … Dans cette guerre qui oppose des hommes si intimement liés, du cœur ou de la raison, lequel aura le dessus ? Hugo interroge la loyauté de ces 3 hommes : loyauté des sentiments, des ancêtres ou loyauté des engagements politiques ? Oui, ça ressemble à un roman de Walter Scott avec son lot d'actes héroïques, de sacrifices et de bravoure au nom de la Cause (bien que républicain, Hugo ne prend pas vraiment parti entre royalistes et révolutionnaire) ou de l'Humanité.

Les relations entre les personnages portent les enjeux du roman. Cimourdain n'est pas sympathique. C'est un ancien prêtre, révolutionnaire candide jusqu'à la psychopathie : « il était effroyablement juste » qui n'hésite pas à condamner son propre fils à la guillotine. Au contraire, Gauvain est un jeune homme clément, idéaliste et aimable : « c'était une âme héroïque et innocente. Le sabre au poing le transfigurait. Il avait cet air efféminé qui dans la bataille est formidable. ». Il rappelle le marquis de Montauran de Balzac dans Les Chouans (1829). Enfin, Lantenac est très ambivalent : traqué, odieusement trahi au début du roman, il est heureusement secouru par un mendiant mais commet ensuite des actes barbares … Le seul personnage féminin est très rustre (!) : Michelle Fléchard, paysanne hagarde, erre dans la forêt à la recherche de ses enfants enlevés et vend son corps contre des renseignements et de la nourriture.

Paradoxalement, le passage qui m'a le plus marqué est celui que j'appréhendais le plus : la scène maritime qui ouvre le livre (ces scènes sont mes bêtes noires !). En effet, j'avais abandonné L'Homme qui rit à cause de la longueur du naufrage qui ouvre aussi cet autre roman de Victor Hugo. Dans Quatrevingt-treize, la scène maritime (heureusement beaucoup moins longue !) contient ce morceau de bravoure absolu : un canon déchainé, 'fou', sème la panique à bord et détruit méthodiquement le navire menaçant l'équipage de naufrage. C'est un passage très violent (le canon passe et repasse sur les corps des morts, les découpant en morceaux sanguinolents que Hugo se plait a décrire en détail), fantasmagorique. On est en plein cauchemar et c'est d'une puissance rare. Rien que pour ce passage, je conseille de lire Quatrevingt-treize !

La progression du roman est parfois déroutante.

Par exemple, le très long entretien entre Robespierre, Danton et Marat (et de manière générale, toute la deuxième partie du roman) interrompt la narration et est difficile à suivre pour qui n'est pas spécialiste de l'histoire de la Révolution française. Cependant, j'ai apprécié les dialogues percutants : « la guillotine est une vierge; on se couche sur elle, on ne la féconde pas » ou encore : « ainsi parlaient ces trois hommes formidables. Querelles de tonnerres ».

Autre exemple, le chapitre « Le massacre de Saint-Barthélémy » où le lecteur s'attend évidemment à une bataille très violente, l'assaut de la Tourgue par les révolutionnaires contre Lantenac assiégé, Hugo s'amuse à décrire les jeux simples des 3 enfants otages qui finissent par déchirer un manuscrit précieux : une hagiographie de Saint-Barthélémy ! Quel décalage entre le titre annoncé et le contenu ! Facétie de Victor Hugo ?

Bref, pour toutes ces raisons (personnages forts, action entrainante, multiples rebondissements) Quatrevingt-Treize est un beau roman. Néanmoins, j'aurai aimé plus de verve romanesque, de sentiments (comme dans Notre Dame de Paris), à l'image du magnifique roman de Balzac, Les Chouans qui évoque la même période historique.

A ajouter dans ma participation au Challenge Un classique par moisClassique-final-3organisé par Cecile.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Le combat contre le canon est aussi, effectivement, un des grands moments de bravoure des romans Hugoliens. Hugo est pour la révolution à condition qu'elle soit modérée; en fait c'est La Terreur qu'il critique. Mais pour une fois il montre la révolte vendéenne, telle qu'elle était : celle d'un peuple ignorant et illettré obéissant aveuglement à ceux qui les oppriment, l'aristocratie et l'église catholique, et travaillant sans en avoir conscience à défendre les privilèges des nobles qui les maintiennent dans la servitude et la misère.
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 84 376
Publicité