« leur cause profonde était en nous »
Une scandaleuse affaire de Anita Shreve
Traduit de l'américain (Testimony)
Belfond / 2009
289 pages / 20 euros
Lu dans le cadre du MOIS AMERICAIN chez Plaisirs à Cultiver.
Chronique d'un scandale sexuel dans une école privée de la Nouvelle Angleterre, Une scandaleuse affaire ne fut pas pour moi une lecture très enthousiasmante. Déjà, je dois reconnaître une motivation de lecture assez spécieuse : je trouvais la couverture (et surtout la paire de ballerines) très jolie et agréablement automnale …
L'histoire en quelques mots : Une vidéo amateur circule, montrant 3 élèves de la prestigieuse Avery School en train de s'ébattre avec une toute jeune fille de 14 ans. L'alcool coule à flots dans le dortoir. Indirectement impliqué et poussé par des motivations ambiguës, le Principal de l'école tente de régler l'affaire en interne. Sauf que les médias s'emparent de ce scandale. Et les conséquences de s'enchainer …
Le thème n'est pas original (les dérives, sexuelles, de l'abus d'alcool chez les jeunes) mais la forme apporte une singularité qui colle bien au roman : sorte de narration kaléidoscopique dans laquelle acteurs ou simples témoins du drame interviennent pour apporter leurs témoignages à la façon d'un documentaire. L'ordre chronologique est perturbé, permettant au lecteur d'apprendre petit à petit les détails (scabreux). Anita Shreve questionne la responsabilité de chacun (parents, enseignants, élèves eux-mêmes), dégomme les clichés en montrant des 'violeurs' pourtant brillants étudiants, honnêtes et bien élevés, admirables petits amis et enfants pleins d'avenir … ainsi qu'une victime particulièrement manipulatrice. Bref, c'est une vision assez noire de la jeunesse américaine, alcoolisée et sexualisée à outrance (et de manière très précoce) qui laisse au lecteur adulte une énorme impression de gâchis pour ces personnages aux vies détruites. Et tout ça dans une Amérique ultra puritaine dont certaines descriptions m'ont semblé particulièrement effarantes, par exemple :
« Dès son arrivée en Nouvelle-Angleterre, Mike avait compris qu'on était moralement obligé d'y laisser ses rideaux ouvertes – surtout ceux de sa chambre ! - pour que tout le monde puisse vous voir dès que vous allumiez. Il ne savait pas au juste pourquoi cette coutume avait perduré – elle était sans doute un résidu de la rectitude calviniste du XVIIème siècle -, mais elle semblait endémique à cet État […] Le bon côté, c'était que, lorsqu'on sortait de chez soi, on était au spectacle » (page 38 - 39)