« C'est mon truc j'adore les livres des témoins oculaires »
84, Charing Cross Road de Helene Hanff
Editions Autrement Littératures / 2001 (1ère édition : 1970)
113 pages / 12,20 euros
Je viens de passer une heure très agréable avec ce petit roman épistolaire.
84, Charing Cross Road regroupe la correspondance (authentique) échangée par un libraire britannique, Frank Doel, et une excentrique jeune américaine, amoureuse de la langue de Shakespeare (et des livres !) : Helene Hanff. Pendant 20 ans (de 1949 à 1969), il lui envoie des éditions anciennes à bon prix tandis qu'elle le remercie par des petits cadeaux et autres lettres amusantes / énervées / désespérées selon ses humeurs. Une relation amicale se tisse progressivement entre le personnel de cette librairie (Marks & CO. basée au 84, Charing Cross Road à Londres), leurs proches et Helene Hanff.
Il m'a fallut une trentaine de pages pour me laisser aller à cette lecture. Dans l'ensemble, je connais assez mal les livres cités et j'avais l'impression de passer à côté de l'histoire. Et puis, petit à petit, presque par surprise, je me suis prise au jeu (surtout grâce à l'intervention de Cecily Farr, la comptable, car Frank Doel est d'abord très réservé !). On suit (en pointillés) la vie de certains employés de la librairie, d'Helene et de Frank Doel, leurs proches. J'ai aimé, avec Helene Hanff, avoir des aperçus fugaces de l'existence de ces quelques personnes : Dora Doel & ses filles, Megan Wells & ses rêves d'Afrique, Mary Boulton … Le rythme est lent. Ou très rapide. Il y a des mois (et mêmes parfois des années entières) entre plusieurs lettres. On passe en 120 pages du rationnement de l'après guerre aux Beatles. Mais quel pincement au cœur à la lecture de la fin, brutale et inattendue !
84, Charing Cross Road c'est un témoignage sur le temps qui passe, sur les relations qui se font et se défont au fil du temps, sur la fragilité (ou au contraire, la profondeur) des relations épistolaires (j'aurai aimé savoir pourquoi Cecily Farr ne donnait plus de nouvelles, elle passe pour une personne assez inconstante …).
Cependant, c'est sa genèse qui rend 84, Charing Cross Road particulièrement touchant. Celle-ci est expliquée en fin de volume, dans la postface, où l'on apprend l'histoire d'Helene Hanff : « Dès 1949, et malgré ses infortunes d'écrivain dramatique, elle décide de rattraper les années d'études qu'elle n'a jamais pu faire et d'acquérir, sans professeurs, une vraie culture classique. C'est dans ces circonstances, après des recherches infructueuses sur les rayonnages décevants des grandes librairies américaines, qu'elles découvre la petite annonce de Marks & Co et adresse aussitôt, au 84, Charing Cross Road, la première de ses lettres » (page 112). Ironiquement, à 50 ans, Helene Hanff obtient une reconnaissance presque fortuite (immédiate et durable !) avec cette correspondance personnelle alors qu'elle écrivait des pièces de théâtre, des scénarios pour la télévision, des livres pour la jeunesse … depuis des années sans obtenir de succès !
Bref ! Si vous aimez les livres et l'ambiance feutré des vieilles librairies, si vous recherchez la recette du Yorkshire pudding (j'en avais l'eau à la bouche ! Voire page 29) ou si tout simplement, vous êtes curieux de découvrir un drôle de destin de femme, 84, Charing Cross Road est pour vous !
« ça fait tellement d'années que j'en rêve. J'allais voir des films anglais rien que pour regarder les rues. Je me souviens, il y a des années, un type que je connaissais m'a dit que les gens qui vont en Angleterre y trouvent exactement ce qu'ils sont venus y chercher. Je lui ai dit que j'irai y chercher l'Angleterre de la littérature anglaise, il a hoché la tête et il a dit : 'Elle y est bien.' Peut-être qu'elle y est, peut-être pas. En tout cas, quand je regarde sur mon tapis je suis sûre d'une chose : elle est bien ici. » (page 105 : sur le tapis en question, il y a tous les ouvrages de sa bibliothèque que Helene Hanff est en train de ranger).