« Tu sais parfois, je me demande s'il n'y a pas quelqu'un qui prend possession de toi. »
D'après une histoire vraie de Delphine de Vigan
JC Lattès (août 2015) / 478 p. / 20 euros
Prix Renaudot 2015
Delphine de Vigan semble raconter un moment authentique de sa vie où elle est rendue vulnérable par le départ de ses jumeaux et le succès inattendu de son précédent roman. En panne d'inspiration, elle fait la rencontre de « L. ». Comme Delphine, L. est écrivain (elle écrit pour des célébrités mais reste anonyme), est dans la quarantaine et une relation fusionnelle et venimeuse s'installe progressivement entre les deux femmes.
On découvre rapidement que le récit présumé autobiographique n'en est pas réellement un et que Delphine de Vigan s'amuse malicieusement à manipuler ses doubles littéraires (et ses lecteurs) : « Ce pourrait être un projet littéraire, écrire un livre entier qui se donnerait à lire comme une histoire vraie, un livre soi-disant inspiré de faits réels, mais dont tout, ou presque, serait inventé » (p.448). Exercice périlleux de mise en abîme dont elle se sort plutôt bien. Personnellement, je me suis laissée manipuler avec plaisir, tout en en étant parfaitement consciente.
C'est une intense réflexion sur l'écriture, sur la création et sur l'importance du réalisme en littérature qu'offre l'auteure. Naïve, je m'interroge rarement sur l'authenticité des romans que je lis (et je m'en fiche un peu). D'ailleurs, je préfère souvent la fiction pure (*si une telle fiction existe ? comme s'interroge Delphine dans le roman*). Du coup, si j'ai été intéressée par ces réflexions littéraires, j'ai davantage été intriguée par la relation/tension entre les 2 femmes : folie ? Usurpation d'identité ? Incursion dans le surnaturel à l'image des romans de Stephen King qui sont cités ? En outre, j'ai trouvé la personnalité de cette Delphine attachante avec ses fêlures, sa modestie sur son travail d'écrivain, sa sincérité … Cela dit, Thibaut et Mathilde (dans Les heures souterraines) m'avaient davantage émus.
Pour conclure, c'est un livre étrange qui navigue entre autobiographie, fiction psychologique et roman policier qui m'a donné envie de découvrir Rien ne s'oppose à la nuit et Misery. Pas le coup de coeur attendu mais un roman qui frappe par la virtuosité de ses interrogrations sur l'écriture et qu'on peine à lâcher ...
J'ai pu lire ce roman grâce à la gentillesse de Claudia qui en a fait un Livre Voyageur. Elle aussi a beaucoup aimé.