« Cette douce marginalité, ces pieds de nez perpétuels à la réalité, ces bras d'honneur aux conventions, aux horloges ... »
En attendant Bojangles de Olivier Bourdeaut
FINITUDE (janvier 2016) / 158 pages / 15,50 euros
Bien que ce bouquin et son auteur aient été très médiatisés il y a quelques mois, je serais sans doute passée à côté sans les conseils d'une amie. Et j'aurai loupé un espèce d'OVNI littéraire, une expérience de lecture étrange et déstabilisante … mais touchante.
En attendant Bojangles c'est le regard naïf d'un enfant porté sur les excentricités de ses parents. Il y décrit leur vie quotidienne festive, absurde, trépidante et frappadingue. On n'y ouvre jamais le courrier, on adopte un oiseau exotique nommé Mademoiselle Superfétatoire, on danse à longueur de journée sur le beau titre de Nina Simone, « Mr Bojangles ». Oui mais voilà, cette folie douce, cette perpétuelle euphorie se teinte progressivement de mélancolie lorsque la narration repasse au père qui apporte un regard d'adulte, rationnel, sur cette vie et sur la personnalité énigmatique de la mère.
J'ai d'abord été très déstabilisée par cette lecture et par l'aplomb de l'auteur à banaliser l'absurde et la folie (en tout cas, ce que nous, lecteurs extérieurs, taxons de 'hors-norme'). A quoi s'attendre ? Qu'en penser ? J'étais à deux doigts d'abandonner ma lecture tellement j'étais dans le flou … Indéniablement, les extravagances de cette famille sont amusantes mais Olivier Bourdeaut distille un mal-être dans cette drôlerie, un décalage tangible. Puis, petit à petit, on cerne les réels enjeux d'une magnifique histoire d'amour. En effet, En attendant Bojangles est un roman touchant dont le véritable héros est le père qui par amour, fait tout pour préserver sa femme et son fils, avec panache, avec désespoir aussi.
Probablement parce que ce court roman possède un côté très 'visuel' presque cinématographique, pendant ma lecture j'ai beaucoup songé à La Vie est belle (de Roberto Benigni) - pour les mensonges inventés par le père pour protéger son fils – et à Marguerite (de Xavier Giannoli) - à cause du personnage de la mère, une diva dans le déni. Pour conclure, j'ai apprécié ce roman étrange qui, sous l'apparence d'une énorme farce est étonnamment triste et cruel.