« … et la foule rassemblée détourna les yeux »
Une Place à prendre de J. K. Rowling
traduit de l'anglais (Etats-Unis) : The Casual vacancy
Grasset / 2013 / 680 pages / 24 euros
Pour la petite histoire, j'étais super impatiente de relire un livre de JKR, voire surexcitée lors de sa sortie en France (le jour même Une Place à prendre et sa couverture hideuse était en ma possession) et puis … Presque 700 pages, 5 kilos, une couverture qui agresse les yeux, des critiques négatives qui se sont rapidement accumulées … Bref ! Une Place à prendre risquait de finir enterré dans ma PAL sans le billet enthousiaste (et salvateur) de Karine. Cela aura été fort dommage car je rejoins sans hésitation la 'team de ceux qui ont aimé'.
Dans la petite bourgade cossue de Pagford, le conseiller paroissial Barry Fairbrother vient de mourir, terrassé par une rupture d'anévrisme. Une place se libère donc. Qui sera élu ? La campagne prend une tournure inattendue lorsque, sous le pseudonyme de fantôme_de_Barry_Fairbother, une personne s'amuse à exposer aux yeux de la communauté les secrets des candidats. Parallèlement, dans la cité HLM voisine de Pagford (mais détestée car considérée comme un repère de drogués et de chômeurs), Krystal une adolescente 'a problème' dont la mère est toxicomane tente d'élever son petit frère.
Définitivement, Une Place à prendre est un roman pour adultes ! JKR réussi l'incroyable tour de force d'écrire un roman de 700 pages avec des personnages franchement antipathiques (voire pourris jusqu'à la moelle) et dont l'enjeu n'est vraiment pas glamour : un siège à pourvoir dans une ville riquiqui et tout à fait ordinaire et la possibilité de voter pour ou contre la Cité et la clinique de désintoxication. Et pourtant, ça marche ! Certes JKR prend son temps et le début du roman est trop long mais petit à petit, je me suis prise au jeu des interactions entre les personnages. C'est même assez jouissif de suivre l'enchainement des évènements et de voir JKR s'amuser à disséquer le pouvoir de la rumeur, l'hypocrisie sociale, les petites querelles entre les habitants … Une Place à prendre est la chronique quotidienne d'une ville de province et une étude de mœurs très incisive.
Je me suis également bien amusée de découvrir que JKR possède une palette de salauds très diversifiée. Entre autres, nous avons un couple de vieux réac' racistes et anti-jeunes, un père de famille tyrannique et violent, un célibataire d'une veulerie sans nom … Contrairement à Harry Potter, c'est une vision complètement désenchantée de l'adolescence que présente ici JKR : harceleurs, sexuellement actifs, vulgaires, ils se scarifient et boivent de l'alcool … Pourtant, ces odieux personnages ne sont pas caricaturaux et j'ai fini par m'attacher à certains, notamment les femmes qui tirent leur épingle du jeu. Samantha, la cougar quarantenaire qui s'émancipe et Sukhvinder, la fille mal-aimée de la seule famille pakistanaise du patelin sont particulièrement touchantes.
Pour conclure, il est évident que JKR est une auteure talentueuse, qu'elle possède un don particulier pour créer des personnages dont les actions ne cessent de se recouper. Une Place à prendre est un roman très ironique, drôle et tragique à la fois, qui montre une vision de l'Angleterre complètement désillusionnée et dont la fin est un crève cœur absolu.