« Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux »
Esprit d'hiver de Laura Kasischke
traduit de l'anglais (États-Unis) : Mind of winter
Christian Bourgeois éditeur / août 2013
275 pages / 20 euros
Inutile de l'expliquer à nouveau, je suis une admiratrice inconditionnelle de Laura Kasischke. Et encore une fois, le charme a opéré : Esprit d'hiver, c'est un véritable coup de cœur pour moi ! Une trame minimaliste, une révélation finale lapidaire glaçante qui (même si je m'attendais à quelque chose de semblable) m'a complètement stupéfiée / renversée / laissée KO …
Esprit d'hiver c'est un huit-clos psychologique entre une mère, Holly, et sa fille adoptive russe, Tatiana. Le jour de Noël, Holly et Tatiana sont bloquées à la maison à cause d'une tempête de neige tandis que leurs invités se décommandent les uns après les autres. Dans ce cadre domestique apparemment anodin, la tension ne cesse de grandir entre l'adolescente tour à tour mutique et provocante et sa mère dépassée, qui tente de ménager la susceptibilité de son enfant adorée. D'autant plus qu'Holly a l'angoissante impression qu'une chose les a suivi lors de l'adoption de Tatiana, il y a 13 ans.
Après avoir brillamment joué avec les codes du campus novel et autres histoires de vampires dans Les Revenants, Laura Kasischke s'empare des classiques de la maison hantée. C'est un prétexte pour créer une atmosphère particulièrement angoissante et claustrophobe, à la frontière entre ultra réalisme et surnaturel. Comme toujours dans les romans de Laura Kasischke, l'apparente normalité se dérègle progressivement pour laisser place à l'incertitude et à la confusion mentale. Il y a ces motifs, ces souvenirs (les grands yeux noirs de bébé Tat à l'orphelinat par exemple) qui reviennent avec insistance, qui marquent le lecteur et finalement qui accompagnent la tension toujours croissante jusqu'au drame final, jusqu'au point de non retour.
Le thème de la maternité est omniprésent. Holly vit son rôle de mère en regard de sa propre enfance (morbide et traumatisante) et du regard des autres : est-elle une bonne mère ? Holly a un immense sentiment de culpabilité, diffus mais très fort (qui m'a énormément intrigué et qui trouve son explication dans les dernières pages). Les souvenirs de Holly sur l'orphelinat sibérien sont éprouvants, dérangeants. Une image en particulier (*que je tairais volontairement *), celle qui explique le reste (*comprendront ceux qui ont lu !*) est absolument horrifiante. (et je pense que je ne suis pas prête de l'oublier !)
Pour conclure, Esprit d'hiver est un roman à la beauté glaçante, troublant, magnifique. Un coup de cœur, indéniablement. Miss Léo est également sous le charme.
Rentrée littéraire 2013