« L'ère des on-dit allait-elle enfin céder le pas à l'ère de la documentation ? »
L'Enfant de l'étranger de Alan Hollinghurst
Traduit de l'anglais : The Stranger's child
Albin Michel (Les Grandes traductions) / aout 2013
723 pages / 25 euros
Alan Hollinghurst est un écrivain britannique déjà primé en Angleterre (lauréat du Booker Prize en 2004) que je découvre avec L'enfant de l'étranger, conseillé par une bibliothécaire très enthousiaste.
Difficile de résumer l'intrigue d'un tel roman qui débute à la veille de la Première Guerre mondiale et ne s'achève qu'en 2008 ! En 1913, Cecil Valance jeune poète arrogant, passe le week-end aux « Deux Arpents » la propriété de son ami (et amant) George Sawle, dans le Middlesex. Loin de Cambridge, les deux étudiants batifolent mais Cecil séduit également la sœur de George, Daphné. Ce trio formé de Cecil, George et Daphné est l'élément fondateur. 1 frère, 1 sœur et 1 poète torturé = 2 histoires d'amour avec leurs lots de secrets inavouables et de souvenirs incertains. Tué sur le front en 1916, Cecil devient célèbre mais à l'image du portrait d'Eugène Speicher qui orne la couverture, il reste toujours insaisissable. Poète énigmatique à la sexualité ambiguë, ses biographes successifs sont condamnés à le connaître uniquement à travers les yeux des autres (et ce qu'ils veulent bien en livrer).
L'enfant de l'étranger n'est pas la fresque romantico-historique que laisse présager la 4ème de couverture. Il s'agit plutôt d'une réflexion sur les affres des biographes, entre hagiographes serviles et enquêteurs obsédés par le scoop (en dépit du bon goût et du respect des personnes). C'est un roman très dense qui évoque également le passage du temps, la postérité des artistes, les aléas du souvenir, l'homosexualité masculine dans l'aristocratie et les milieux artistiques à travers le XXème siècle.
La construction en cinq parties est surprenante car on change à chaque fois d'époques et de personnages. C'est un véritable défi que Alan Hollinghurst maitrise parfaitement. D'emblée, j'ai été captivée par sa très belle écriture et par l'atmosphère victorienne décadente puis des années folles. Les interactions entres les personnages sont subtilement dévoilées et leur psychologie assez fine. Malheureusement, j'ai moins aimé les 2 dernières parties probablement parce qu'elles sont plus contemporaines et parce que j'ai trouvé assez antipathiques les personnages qu'on y découvre.
Pour conclure, il y a indéniablement certaines longueurs et répétitions vers la fin et L'enfant de l'étranger ne restera pas dans mes annales personnelles.
Rentrée littéraire 2013