Si Elizabeth avait dû s'occuper elle-même de ses jupons, il y a fort à parier qu'elle se serait montrée beaucoup plus soigneuse
Une saison à Longbourn de Jo Baker
Traduit de l'anglais : Longbourn
Stock (2014) / 394 pages / 21,50 euros
Pour moi, une austenerie c'est généralement une romance mièvre où un auteur (qui n'est décidément pas Jane Austen) s'amuse avec ses personnages, le plus souvent Elizabeth Bennet et Darcy. Une saison à Longbourn est différent et excellent : Lizzy & Darcy n'y sont que des ombres car les personnages principaux sont les domestiques.
En effet, à Longbourn, petite bourgade du Hertfordshire, vivent Mr et Mrs Bennet, leurs 5 filles (Jane, Elizabeth, Mary, Lydia et Kitty) et leurs domestiques composés d'un couple d'intendants et de 2 bonnes qui servent également de femmes de chambre, Sarah et Polly. Leur quotidien ? Blanchir les jupons des filles Bennet, laver les souliers maculés de boue, porter des lettres chez les Bingley, les Lucas, la poste … même sous la pluie battante. Il s'agit d'une vie monotone et ingrate pour la jeune Sarah qui rêve d'indépendance et de découvrir le monde. Or, l'arrivée d'un valet au passé obscur bouleverse bientôt cette domesticité sans vagues …
Une saison à Longbourn est une touchante histoire d'amour portée par un personnage féminin au caractère fort, Sarah, partagée entre la frustration, l’ingratitude de sa condition où elle est soumise à l'arbitraire de ses maîtres et ses espoirs d'une vie différente. Les autres domestiques sont aussi très bien croqués (j'ai aimé la fin qu'imagine Jo Baker pour l'espiègle Polly, l'ambitieux ex-esclave Ptolémée Bingley ...).
Le roman est également un témoignage du quotidien rude d'une modeste domesticité de l'Angleterre campagnarde du début de XIXème siècle. Jo Baker a le soucis de l'authenticité et n'hésite pas à égratigner le mythe : toutes généreuses qu'elles soient, Jane et Elizabeth font fort peu attention aux domestiques et aux tâches qu'elles accomplissent pour elles. Pour ces demoiselles aisées, les soins dont elles bénéficiaient semblent dus. La mise en abyme avec la situation sociale précaire de Sarah est d'autant plus frappante. Pire ! J'ai réalisé que Bingley tient sa fortune du commerce des esclaves …
Pour conclure, Une saison à Longbourn combine une émouvante histoire d'amour contrarié et une critique de la société. Une lecture vraiment très enthousiasmante !