« Je m'appelle Serena Frome et, il y a près de 40 ans, on m'a confié une mission pour les services secrets britanniques »
Opération Sweet Tooth de Ian McEwan
Traduit de l'anglais (Sweet Tooth)
Gallimard (décembre 2013) / 439 pages / 22,50 euros
Opération Sweet Tooth est le premier roman de McEwan qui me déçoive (alors que j'avais follement aimé Sur la plage de Chesil et Expiation). Je me suis beaucoup ennuyée pendant ma lecture, j'ai trouvé les personnages peu sympathiques et n'ai pas cru une seconde à l'histoire d'amour.
Ian McEwan situe son récit dans l'Angleterre des années 70 en pleine mutation sociale et politique. La guerre froide cède le pas devant les attaques terroristes qui s’amplifient (il est question de l'IRA). C'est une époque assez dingue (et méconnue de moi) où l'Angleterre est obsédée par son déclin et où la semaine de 3 jours travaillés est instaurée à cause d'une crise de l'énergie.
Serena Frome (prononcer « Frume », comme dans « plume » p.13) vient d'obtenir son diplôme de mathématique à Cambridge. Elle est jeune, splendide et sa liaison fugace avec un pathétique prof d'histoire lui permet d'intégrer le MI5. Mais Serena découvre rapidement que les femmes des services secrets de Sa Majesté n'occupent que des postes subalternes. D'abord secrétaire, Serena se voit confier une mission intéressante : enrôler un écrivain prometteur, dont les écrits devront être conformes à l'idéologie nationale (et optimistes !). C'est l'opération « Sweet Tooth » ou la guerre froide culturelle … Malheureusement pour l'espionne en herbe, les sentiments s'en mêlent !
J'avais du MI5 une vision très glamour (et fausse), directement issue de la série de la BBC « SPOOKS ». Cela étant, j'ai aimé en apprendre plus sur la VRAIE histoire des services secrets anglais. Par exemple que la première femme à diriger le MI5 (en 1992) fut Stella Rimington, entrée comme secrétaire dans les années 70 « pionnière, la 1ère à crever le plafond de verre auquel se heurtaient les femmes » (p. 66). Il est également question d'une « révolte des femmes » au sein du MI5. Ce n'est pas le sujet du livre mais j'essaierai d'en savoir davantage (peut-être avec un témoignage authentique d'une femme espionne ?).
(*spoilers*) En dehors de ce contexte historique original, je suis restée sur la réserve : l'explication du 'mystère' Tony Canning m'a déçue, je n'ai pas aimé que Ian McEwan nous 'refasse' le coup du 'livre dans le livre'. J'ai trouvé Serena trop passive et avide de reconnaissance masculine (ses amants, ses patrons, son père), naïve, sans ambition et horriblement cœur d’artichaut. De plus, j'ai trouvé trop longues les explications autour des mécénats culturels organisés par les services secrets. Les réflexions sur le métier d'écrivain et le processus de création sont toujours très intéressants chez McEwan mais l'intrigue elle-même se dévoile trop tard (au dernier chapitre) pour que le lecteur en goûte la singularité. Et puis elle n'est pas très crédible de même que l'histoire d'amour. Cette fois-ci (contrairement à Expiation) le dernier chapitre ne réussit pas à mettre en perspective le reste (*fin spoilers*)
Entre roman d'espionnage (au sens psychologique du terme, pas à la James Bond) et roman de campus universitaire, Opération Sweet tooth ne m'a vraiment pas séduite ! Mais je continuerai à découvrir l’œuvre de McEwan sans faute …