« Dix-neuf mois plus tard, un enfant naquit. Une fille. On la prénomma Rose »
Ce cœur changeant de Agnès Desarthe
Éditions de l'Olivier (septembre 2015) / 336 pages / 19,50 euros
Ce cœur changeant raconte l'histoire de Rose, fille d'une aristocrate danoise défaillante et d'un officier français faible. Arrivée à Paris au début du XXème siècle, Rose y côtoie le luxe et la misère, fréquente les bas-fonds et les ateliers de couture, aime un pulmonaire et une audacieuse …
La jolie écriture d'Agnès Desarthe flirte avec la fantaisie nordique d'Herbjorg Wassmo (le 1er chapitre), un univers grouillant de vie 'à la Sarah Waters' et avec le misérabilisme de certains Dickens (parfois trop). Étrange mélange qui rythme le récit à tel point qu'on ne le lâche pas facilement.
L'époque est plaisante mais les grands bouleversements de l'Histoire sont à peine évoqués. Au contraire, c'est une histoire de mère(s) et du mal qu'on peut se faire en famille, de l'intime, d'un apprentissage de la vie qui tarde à se faire, qui emprunte des détours …
Et pourtant, je suis mitigée. Mon bémol réside dans le caractère de Rose, « ce cœur changeant » d'Apollinaire : elle traîne sur 20 ans l'innocence et la naïveté de ses 15 ans … Et cela m'a parfois agacée et lassée.
C'est une rêveuse, une lectrice, pas une entreprenante, qui subit sa vie passivement, se laissant sauver et aimer aux hasards des rencontres. On ignore ses sentiments profonds, ses désirs, ses espoirs … Évidemment, c'est voulu par l'auteur (on évoque Freud et la construction psychologique des enfants) et Rose n'attend qu'un déclic pour s’affirmer (le « je » salvateur apparaît brutalement à la page 256).
Pour conclure, je garderai le souvenir d'un roman singulier, agréable à lire, d'une belle écriture mais d'une héroïne trop fragile que je n'ai pas su aimer.