« on me permettra de retourner à ma paisible existence et de redevenir celle que j’étais avant de faire cette chose effarante »
Hôtel du lac de Anita Brookner
Traduit de l’anglais / 1984
Edith Hope, que son entourage compare souvent à Virginia Woolf, écrit des romans d’amour à succès. Elle-même se décrit plutôt comme une « tortue », une femme sérieuse et laborieuse, discrète et docile, à l’image de ses héroïnes qui finissent par se marier avantageusement contrairement aux « lièvres », ces flamboyantes séductrices qui attirent pourtant tous les regards. Mais qui est vraiment Edith ? Pourquoi doit-elle quitter Londres pour faire pénitence dans un hôtel suisse en bordure du lac Léman, « cure de solitude et de grisaille » ?
J’ai beaucoup apprécié l’atmosphère surannée et intemporelle de ce roman. Est-on dans les années 20 ? les années 50 ? les années 80 ? Ce petit hôtel convenable et sa clientèle aisée évoquent irrésistiblement les romans d’Agatha Christie. Pour tromper sa solitude, Edith observe ses compagnons et tente de deviner leurs vies. Mais aucun n’est vraiment ce qu’il semble être … En outre, l’intrigue du roman est le crime d’Edith : qu’a-t-elle fait pour subir cet exil forcé ? (*j’avais évidemment imaginé le pire*).
Anita Brookner excelle véritablement à restituer la demie-teinte, l’entre-deux, la langueur, des journées de son personnage qui s’écoulent entre écriture, introspection et excursion. Ce n’est pas un hasard si l’exil d’Edith a lieu en septembre, quand les derniers vacanciers rentent chez eux et que le climat du pays vaudois est changeant, oscillant entre grisaille et soleil tardif. Ce symbolisme subtil accompagne le cheminement intellectuel d’Edith qui est arrivée à un tournant de sa vie.
Hôtel du lac est un roman sur l’amour (et les convenances) mais sans grandes effusions. Probablement parce que c’est une lecture récente, j’ai beaucoup pensé à La Vie rêvée de Virginia Fly (thèmes et héroïnes proches) – surtout pour me dire que Hôtel du lac est bien meilleur (*et je m’en excuse auprès de la merveilleuse Angela Huth que j'idolâtre par ailleurs*). Le choix final d’Edith est discutable, j’aurai presque aimé qu’elle ne fasse un autre. Mais j’ai aimé que l’auteur ne la juge pas. J’ai aimé cette pondération, cette histoire d’une femme en apparence passive mais animée d’une vie secrète riche.
Anita Brookner est pour moi une très belle découverte (faite à l’occasion du MOIS ANGLAIS)