« Quand les Radlett n'étaient pas au faîte du bonheur, ils se trouvaient au fond des eaux sombres du désespoir »
La Poursuite de l'amour de Nancy Mitford
Traduit de l'anglais : The Pursuit of Love
Première parution : 1945
Linda et Fanny sont cousines. Linda est l'exaltée et Fanny la raisonnable, l'observatrice. Comme Fanny a été abandonnée par ses « parents vicieux » (comprendre volages), elle est régulièrement accueillie au manoir d'Alconleigh, par la turbulente famille Radlett, aristocrates mêlant traditions et excentricités. Et Nancy Mitford de narrer l'enfance de Linda et Fanny, leur naïveté d'adolescentes, leurs espoirs en l'avenir, leurs premiers émois et leurs mariages … dans l'Angleterre des années 20 et 30.
« Linda et moi étions fort préoccupées par le péché et notre grand héros était Oscar Wilde. / - Mais qu'est-ce qu'il a fait ? / - J'ai demandé à papa et il s'est mis à hurler. Dieu, c'était terrifiant ! »
Roman initiatique et roman d'amour, on s'amuse d'un mode de vie révolu mais excentrique et snob où les jeunes gens s'amusent à classifier les « U » et les « non-U » (Upper class, l'aristocratie et non-Upper Class, la bourgeoisie).
Plus que la vie (rangée voire terne) de Fanny, c'est Linda qui est au cœur du roman. Dans sa recherche du bonheur personnel et de l'amour, elle fait d'ailleurs preuve d'un égocentrisme incroyable et traverse sans se sentir concernée les grandes crises du XXème siècle : camps de réfugiés catalans de Perpignan, marche vers la guerre, Blitz … Insouciante, elle prend des bains de soleil, nue derrière la verrière de son appartement haussmannien …
Pour autant, je n'ai pas ressenti d'agacement pour le personnage de Linda annoncée d'emblée comme un être 'à part', un peu lunaire. Au contraire, j'ai plusieurs fois été ému par sa vulnérabilité et son audace. A l'été 1939, sa liaison passionnée avec Fabrice de Sauveterre (proche de De Gaulle et des FFI) rappelle le couple Léa Delmas/François Tavernier (La Bicyclette bleue de Régine Deforges). Bien que volage, Fabrice est aussi amusant qu'irrésistible : « Il était si essentiellement citadin que pour lui le déroulement des saisons était marqué par les tailleurs de printemps, les imprimés d'été, les ensembles d'automne et les fourrures d'hiver de sa maîtresse ».
Enfin, j'ai apprécié l'évocation nostalgique et (en partie) autobiographique de la jeunesse de Nancy Mitford. L'enfance turbulente et insouciante des cousins Radlett possède le goût doux-amer du paradis perdu. Idem lorsque Nancy Mitford décrit son propre père sous les traits d'Oncle Matthew, figue tutélaire et colérique qui « n'a lu qu'un seul livre de toute ma vie, et c'était Croc-Blanc. C'est tellement bien que je ne me suis jamais donné la peine d'en lire un autre ».
Ma seule réserve concerne la fin du roman, très brutale et dramatique mais inéluctable, tandis que dans le reste du roman, Nancy Mitford adopte un ton plutôt mordant voire cynique.
Voilà ma 3eme participation au MOIS ANGLAIS 2015 organisé par Lou, Titine et Cryssilda.