« Ne t'en fais pas, va ! Dis-toi qu'ils font leurs besoins exactement comme nous. »
Les tribulations d'une cuisinière anglaise de Margaret Powell
Traduit de l'anglais : Below Stairs
Première parution : 1968
Petite bibliothèque Payot (Irrésistibles) / 279 pages / 8 euros
Après le pudique et solennel Mr Stevens (Les Vestiges du jour de Kazuo Ishiguro), le témoignage (authentique) de Margaret Powell livre un portrait de domestique anglais diamétralement différent.
Margaret Stevens naît en 1907, à Hole (dans banlieue de Londres), dans une famille très pauvre. A 13 ans, Margaret rêve du métier d'institutrice mais ses parents, ne pouvant payer sa formation, elle doit entrer « en condition » c'est-à-dire devenir domestique. Comme Margaret n'est pas très adroite et légèrement insubordonnée, elle postule comme fille de cuisine dans l'espoir d'évoluer vers le poste convoité de cuisinière.
« Quand on est fille de cuisine, on n'est personne, on n'est rien, personne ne vous écoute, on est même la bonniche des autres domestiques » (p.181)
Avec son franc-parler et spontanéité, Margaret raconte le quotidien (assez sordide) d'une petite domestique des années 20 et dénonce les conditions de travail dans les grandes maisons aristocrates.
Son témoignage est tenté d'amertume et clairement à charge contre ses successifs patrons.
'On les appelait toujours « Eux ». « Eux », c'était l'ennemi. C'étaient « Eux » qui nous donnaient trop de travail, « Eux » qui ne nous payaient pas assez, et pour « Eux » les domestiques étaient une race à part, un mal nécessaire' (p.134).
Les patrons sont indifférents à la souffrance physique de leurs employés mais aussi à leur souffrance mentale. Incroyable les tâches inutiles demandées à Margaret dont le repassage quotidien, au fer, des lacets des chaussures de toute une famille ! Certaines maisons offrent des places plus enviables mais domesticité rime toujours avec privation de liberté. Au passage (et même si Margaret confie les raisons de son amertume), elle égratigne le mythe des belles maisons victoriennes et post-victoriennes dont j'aime tant lire les histoires !
En ressort également un monde en pleine mutation (Margaret n'hésite pas à chercher une place davantage payée lorsqu'elle est insatisfaite de ses patrons du moment) et surtout en pleine féminisation. En effet, dans les années 20, les femmes ayant participé à l'effort de guerre « préfèrent se faire embaucher dans les usines, les bureaux et les commerces, mais elles sont frappées par le chômage plus que les hommes, et beaucoup se résolvent à devenir ou rester domestiques » (p.11).
Malgré cette dénonciation d'injustices faites aux domestiques, le témoignage de Margaret n'est pas triste mais au contraire amusant bien que le happy-end attendu soit relatif …
Pour résumer, il s'agit d'une lecture plaisante mais pas exceptionnelle car parfois répétitive.